Des contes et des hommes

Le fardeau

Le fardeau

UN DERVICHE, AU SOUK, un matin, se promène parmi les ânes, les passants, les cris des marchands. Il croise une femme courbée sous une charge originale: une lourde porte en bois dur. L’homme s’étonne. Il lui demande:

– Bonne dame, puis-je t’aider?

– Non. Ôte-toi de mon chemin.

– Où vas-tu, ainsi accablée?

– À mon cours de méditation.

– Avec ta porte sur le dos ?

– Et où veux-tu que je la mette? J’ai chez moi des objets d’une grande valeur, bijoux, tapis anciens, que sais-je? Mon mari m’a dit ce matin, avant de partir au travail: « Prends garde, Fahima, que personne surtout ne passe cette porte! » Et donc je l’ai prise avec moi. Pour que personne ne la passe.
– Madame, répond le derviche, je peux t’enseigner, si tu veux, comment cesser de te charger de cet inutile fardeau.

– Non, ce n’est pas ce que je cherche. Mon seul souci, en vérité, est de savoir par quel moyen rendre cette porte moins lourde.

– Cela, dit l’homme, je l’ignore. Adieu, madame.

– Adieu, monsieur.

Henri Gougaud.
Le livre des chemins.

Print Friendly
FavoriteLoadingAjouter aux favoris