La peur ou la vie
La peur ou la vie
UN DIMANCHE (il fait beau partout, tant au ciel que parmi les herbes), un homme, une femme et leur fils vont ensemble pêcher la truite, dans le torrent au bas du pré. L’enfant gambade, insouciant. Sa mère, inquiète, s’égosille.
– Mon Dieu, ce gamin, comme il court, il est tout en sueur. Misère! Pas si vite, tu vas tomber! Prends garde aux abeilles, aux cailloux, il y a des vipères dessous!
Elle aime trop. Elle aime mal. Son cœur est tout à son garçon comme la cage à son oiseau. Les voilà au bord de l’eau vive.
– Sois prudent, tu te penches trop. Tu vas glisser. Viens près de moi, là, tout près, et ne bouge plus.
Elle est tranquille. Pas longtemps. Un moustique bientôt se pose au bord des lèvres de l’enfant. Quoi, il ose, ce venimeux, ce porteur de maladies graves ?
Une gifle affolée l’écrase. Le coup expédie le petit dans les tourbillons du torrent. Son père, in extremis, le sauve. Je l’ai décidé, c’est ainsi.
Le conte, plus rude que moi, dit que le garçon, s’y noya. Façon d’affirmer sans détours que le pire poison qui soit, tant pour soi que pour ceux qu’on aime, est cette sorte de peur bleue qui fait voir des diables partout.