Admiration
POURQUOI L’ADMIRATION NOUS FAIT-ELLE TANT DE BIEN ?
Quel bonheur en effet qu’admirer ! Admirer l’autre – son talent, son courage, sa beauté… –, c’est d’abord se désintéresser de soi, s’oublier un peu, et ça fait un bien fou. Lorsque nous admirons vraiment quelqu’un, nous cessons d’ailleurs de nous comparer. Nous sortons un instant de nous-mêmes dans ce moment où l’autre nous étonne : « Ma tante fait vraiment preuve d’un tel courage face à la maladie ! » « Quelle belle voix que celle de cette chanteuse ! » « Quel coup droit magnifique que celui de ce champion de tennis ! »
Admirer quelqu’un, c’est toujours admirer une singularité. On n’admire jamais la manière dont quelqu’un se soumet parfaitement à une consigne ou à une norme ! Si vous admirez Barbara, Véronique Sanson ou Zaho de Sagazan, c’est que vous trouvez leur voix singulière, originale. De même, si vous admirez une navigatrice comme Violette Dorange, qui vient de finir le Vendée Globe, ou l’explosivité du jeu de Carlos Alcaraz, vous admirez quelque chose qui n’est qu’à elle, ou qu’à lui, par lequel il ou elle ne ressemble pas aux autres. Admirer quelqu’un, c’est admirer une manière unique de se détacher des autres, une manière d’être au monde qui révèle la vérité d’une personnalité, un style. Et cela aussi nous fait beaucoup de bien.
Nous ployons en effet sous le poids des conventions, des process… Comment, dans ce monde de normes, continuer à croire en la possible expression de sa singularité ?
Précisément par l’admiration : l’exemple de la personne admirée prouve tout simplement qu’il est possible, même dans ce monde de normes, de développer son style singulier. Et voilà pourquoi cela nous réjouit tant : si cela a été possible pour lui, peut-être est-ce possible pour moi ! L’admiration peut ainsi nous donner des ailes, la réalité du talent de l’autre nous souffler qu’il y a moyen de n’être pas écrasé par ce que la société nous demande d’obéissance, de docilité.
On comprend mieux pourquoi les grands artistes ont tous été de grands admirateurs : ils se sont inspirés de la manière dont les autres se sont approchés de leur étoile pour se remplir de l’idée qu’ils pouvaient, eux aussi, se rapprocher de la leur. « La grandeur de l’homme, écrit Nietzsche, c’est qu’il est un pont et non une fin » : la grandeur de l’un est une main tendue, un pont vers le talent de l’autre.
Admirer n’est donc pas simplement sortir de soi. C’est aussi rentrer en soi, se nourrir de la possibilité de sa propre originalité. Double mouvement, donc, de l’admiration. D’abord, je sors de moi pour t’admirer ; ensuite, je reviens à moi et à la possibilité de mon propre talent. Plus je t’admire, plus je me remplis de la possibilité de devenir à mon tour admirable.
Charles Pépin.
Ou trouver la force ?
Allary Éditions, 2025.

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