Odieux
Trump, l’insulte faite aux Américains, un danger pour le monde
Béatrice Delvaux Editorialiste en chef
Il y a quelque chose d’odieux dans la manière dont le président Donald Trump inflige sa personne aux Américains et au monde durant ces derniers jours de campagne. Pas tant finalement par la manière clownesque dont il s’est fait héliporter de l’hôpital pour regagner la Maison-Blanche. Pas tant non plus par les mises en scène puériles de sa contamination.
Non, ce qui choque et laisse pantois, c’est qu’il puisse infliger à ses citoyens l’idée que tant que l’homme le plus puissant du pays n’est pas concerné personnellement, leurs problèmes n’existent pas.
Plus de 200.000 morts n’ont pas amené cet homme à reconnaître la gravité de la maladie qui frappe toujours aujourd’hui ceux dont il a la charge. Mais il a suffi que le locataire de la Maison-Blanche attrape de la fièvre et quelques symptômes du Covid pour qu’il en fasse une réalité digne d’une superproduction hollywodienne. Quel mépris pour ceux qui, depuis des mois, luttent contre le virus dans l’indifférence et le déni de celui qui s’en fait aujourd’hui le superhéros. Mais comment, lui, le contaminé, devrait mettre un masque ? Se soumettre à un débat virtuel ? Chaque geste qu’il pose torpille la stratégie « antivirus ».
Quelle indécence inouïe que celle avec laquelle cet homme qui a privé les citoyens d’une couverture santé digne de ce nom vante aujourd’hui les bienfaits du traitement médical cinq étoiles et exclusif dont il a bénéficié mais qui est totalement inaccessible à la majorité des Américains. Et quel cynisme quand il brandit la bénédiction de Dieu pour qualifier une prise en charge expérimentale qu’il promet de rendre vite disponible gratuitement pour tous.
Comment imaginer que ce candidat-là puisse convaincre des électeurs qui devraient se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, ce n’est pas un médicament hors de portée qu’on leur jetait à la figure comme une potion magique, mais du détergent. Que ce n’était pas le rôle des médecins qu’on promulguait, mais le déni de la science et l’idée que le virus allait disparaître parce que lui, le président, « savait ».
Les derniers mois de la présidence de Trump ne cessent de nous atterrer : comment donc la politique peut-elle tomber si bas ? Comment donc le dirigeant le plus puissant du monde peut-il être cet irresponsable dont on redoute chaque matin de découvrir les exhibitions égotiques ?
Les chiffres aujourd’hui laissent penser qu’il ne sera pas réélu mais le pire serait pourtant encore au programme. Les doutes lancés par le candidat républicain sur la validité des élections, le refus de s’engager à respecter leur résultat, adopté également lors du débat contre sa rivale démocrate par le vice-président Mike Pence, font froid dans le dos. C’est pourquoi le monde doit se préparer à l’après-élection américaine, qui pourrait marquer la périlleuse déstabilisation de la plus grande démocratie et bien au-delà.
Les derniers mois de la présidence de Trump ne cessent de nous atterrer: comment donc la politique peut-elle tomber si bas?
Le Soir du 9 octobre 2020.