Extraits philosophiques

Gunzig Carte blanche

J’ai bien réfléchi à ce que je pouvais dire au sujet de ces 500 jours.

Et avant de dire ce qu’à présent j’ai envie de dire, il faut que je précise que je suis, comme tout monde à Bruxelles et en Belgique, bien conscient de la complexité de cette Région et des difficultés qu’elle engendre.

Mais 500 jours plus tard, l’absence de gouvernement ne peut pas être imputée à la complexité. Les humains sont parvenus à comprendre le fonctionnement de la double hélice d’ADN et à envoyer des représentants de leur espèce sur la Lune. La complexité n’est en réalité jamais un obstacle.

Après avoir réfléchi à la question, je crois pouvoir dire que 500 jours sans gouvernement, c’est de votre faute à tous. C’est une faute collective de tous les élus et tous les partis se trouvant, comme le veut la formule, « autour de la table ». Je ne pourrais à ce stade avoir de respect que pour ceux qui, doués d’un certain sens de l’honneur, auraient démissionné, mais il n’y a pas eu de démission. Rester à la manœuvre n’est en aucun cas la manifestation d’un quelconque sens des responsabilités. C’est le contraire. Vous ne le comprenez probablement pas vous-même, vous vous trouvez certainement beaucoup d’excuses et de circonstances atténuantes, mais la vérité que vous refusez d’entendre, c’est que si vous êtes resté c’est parce que, fondamentalement, vous n’en avez rien à faire. Vous êtes resté pour votre carrière, pour votre argent, pour obéir à des consignes de partis, à des mots d’ordre. Vous êtes resté par manque de courage, par manque d’imagination, par absence de considération pour l’intérêt général, par attachement au titre, par goût du pouvoir, par aveuglement, par déconnexion et peut-être même, dans certains cas, par bêtise.

Vous faites tous et toutes partie d’une génération d’élus et d’élues qui aura non seulement abandonné ses responsabilités, ruiné une Région, mis en péril ses habitants, mais vous aurez contribué à ternir l’image de la démocratie à un moment où elle se trouve menacée de tous côtés. Vous aurez été les quelques pelletées de terre sur son cercueil. Peut-être que, dans quelques siècles, si une civilisation existe encore après les grandes catastrophes qui s’annoncent, des historiens se pencheront sur cette période grotesque des « 500 jours », ils s’en serviront pour illustrer la manière dont toutes les médiocrités humaines, la vanité, l’orgueil, la cupidité, l’hypocrisie, la perfidie, ont ruiné une Région qui avait tout ce qu’il fallait pour vivre dans la prospérité et comment, sans honte ni remords, son cadavre fut abandonné au bord du chemin à la manière d’un chien écrasé par la voiture d’un homme ivre.

Thomas Gunzig Ecrivain belge

Le Soir du 24-10-2025

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