Extraits philosophiques

Le monde grec

LE MONDE GREC
Nous ne sommes plus grecs
« La vraie vie est absente. Nous ne sommes plus au monde. » Tel est le constat que fait Rimbaud à la fin du XIXe siècle, dans Une saison en enfer. Être au monde, ce serait être en mesure de se retrouver dans un monde qui rassure, qui nous sert de support. Ne pas être au monde serait, au contraire, comme le personnage de Meursault dans le roman de Camus, éprouver une sorte d’étrangeté face à lui. Pourquoi ? Parce que le monde est devenu silencieux. Il ne nous dit rien de ce qu’il faut faire. Il ne nous dit plus rien de ce qui doit être. La vie est ce qui est bruyant. Telle est la vraie vie vécue. Le reste, c’est l’enfer. Et avant tout, l’enfer est celui de l’inquiétude infinie face à un monde qui ne nous guide plus.

Deux siècles avant Rimbaud, Pascal, dans les Pensées, résumera cette condition qui est la nôtre à travers une formule désormais célèbre : « Le silence éternel des espaces infinis m’effraye. » Nous, modernes, faisons de la nature, du monde, des objets à connaître. Le monde est ce face à quoi l’homme se situe, ce dans quoi il va agir, ce qu’il cherche à maîtriser et à transformer. Ceci peut être source d’espoirs (grâce à notre science grandissante, nous pouvons nous libérer de certaines contraintes), mais aussi de craintes et d’inquiétudes (nous ne connaissons pas les conséquences de nos actes, et le monde, la nature, ne nous disent pas ce que nous devons faire). Telle est notre condition. L’homme est livré à lui-même et il s’interroge…
Comment vivre, alors ? Comment bien vivre ? Telle est la question à laquelle la philosophie peut nous aider à répondre. Mais cette question ne se pose pas à nous comme elle pouvait se poser à un Grec. Il ne s’agit pas de dire que les Grecs ne s’interrogeaient pas sur le sens de l’existence, sur son but ou encore sur la manière dont il fallait agir, bien agir, bien se conduire. Au contraire. Mais pour un Grec, jamais l’homme n’était pensé comme un sujet face à un objet : le monde. Pour un Grec, le monde n’est pas un espace infini à conquérir, une nature obéissant à des lois que l’on cherche à connaître pour mieux les maîtriser, mais un cosmos, une totalité organisée de manière harmonieuse. Vivre, bien vivre, c’est ainsi chercher à vivre en conformité avec ce principe d’harmonie. Si la philosophie est la recherche de la sagesse, elle ne peut alors s’accomplir qu’au sein de cet ordre.

Philosophie: Les plus belles histoires.
Dhilly, Olivier.
Éditions de l’Opportun,2020.

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