Nécessaire beauté
La beauté est nécessaire
« Et si, pour toute richesse, Il ne te reste que deux pains, Vends-en un, et avec ces quelques deniers Offre-toi des jacinthes pour nourrir ton âme ! »
Poème persan
Les Japonais ont toujours vécu dans le minimalisme, mais un minimalisme inséparable de la beauté. Il y a cent ans, même les foyers les plus humbles étaient d’une propreté exemplaire et chacun connaissait l’art de composer des poèmes, d’arranger les bouquets et de servir les repas avec la délicatesse et le goût les plus raffinés.
Le zen n’est pas seulement une religion ; c’est d’abord une éthique. Et cela pourrait aussi devenir un modèle pour tous ceux qui ont choisi le minimalisme.
Nous avons tous besoin d’ordre au plus profond de nous. Et le zen nous libère de toute forme de confusion, même celle qui est matérielle ou physique. Il nous enseigne que plus on devient simple, plus on devient fort.
Écouter de la musique, toucher une matière douce, apprécier le parfum d’une rose… tout cela nous attire naturellement, et nous apporte énergie et plaisir.
La beauté, sous toutes ses formes, est indispensable au bonheur et nous, humains, nous avons besoin d’un peu plus que ce que la raison nous réclame. Notre âme a autant besoin de beauté que notre corps d’air, d’eau et de nourriture. Sans beauté, nous devenons tristes, déprimés, quelquefois même fous.
La beauté invite à la contemplation. Elle absorbe complètement. Shakespeare, Bach, Ozu… nous mettent directement en contact avec la vie.
Esthétique et éthique sont liés. Les Japonais ont choisi la beauté pour préserver leur amour de la vie.
Le vrai luxe est celui dans lequel on s’installe, comme naturellement, presque sans le voir : de bons fauteuils à l’odeur de cuir, un plaid en cachemire, des verres à eau en cristal, une nappe en lin blanc, de simples assiettes en porcelaine blanche qui gardent la chaleur, d’épaisses serviettes en coton égyptien, une pièce dénuée de bibelots mais offrant un feu de bois en hiver, un bouquet de fleurs discret, des légumes de saison provenant d’un jardin avoisinant…
Le faux luxe est celui qu’on « achète » en voulant reproduire un intérieur vu dans un magazine à la mode, en se meublant high tech sans prendre en compte le confort, en cuisinant des ingrédients selon son imagination mais parfaitement indigestes, en allant passer ses vacances dans les endroits « branchés » et surpeuplés tout en avalant des tranquillisants pour récupérer de sa fatigue.
Vivez dans l’élégance et la perfection
« Il pratiquait des austérités que personne ne remarquait. Mais son long entraînement aux devoirs stoïques ne l’avait pas raidi comme un vieux sage… Son goût était exquis en tout, y compris les personnes, les choses et ses façons de parler. »
Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
Tout faire avec style rend la vie infiniment plus riche. Le style, c’est se brosser les cheveux avant de prendre son petit déjeuner. C’est mettre un peu de musique douce pendant les repas. C’est éviter le plastique et le vinyle dans son environnement autant que possible. C’est utiliser son argenterie tous les jours et pas seulement quand on reçoit.
Pendant la grande période de dépression des années 1930 aux États-Unis, l’argent avait moins d’importance que le style. Comme pratiquement toutes les familles étaient démunies, ce n’était plus l’argent qui marquait les différences entre chaque foyer, mais la manière de parler, l’éducation, l’usage de la langue anglaise, les valeurs morales et le goût pour les choses de qualité. Chacun utilisait pour la vie de chaque jour ce qu’il avait de plus beau et mettait sur sa table un bouquet pour les repas. On peut toujours essayer d’apporter un peu plus de perfection dans sa vie. Les détails ont une énorme importance. Quand ils sont parfaits, ils nous équilibrent. Ils nous permettent de passer à des choses de plus grande envergure. Mais quand ils sont négligés, ils sont comme de petites bêtes qui nous irritent.
Le style et la beauté nous aident à nous surpasser.
Au Japon, la beauté plastique de l’attitude exprime un état d’équilibre parfait entre l’intention et l’effort. Maniement des baguettes, position assise sur les tatamis… sont à rattacher à cet ascétisme pratiqué avec grâce et rigueur.
L’art de la simplicité.
Dominique Loreau.
Robert Laffont, 2014.